Si vous souhaitez changer des concerts en ligne et autres opéras en streaming mais que vous désirez tout de même garder un lien avec la musique, voici une sélection de quelques biopics musicaux à (re)voir pendant cette période de confinement. Avec Tino Rossi en Schubert, Gustav Leonhardt en Bach ou Gérard Depardieu en Marin Marais, tour d’horizon des meilleurs longs métrages portant à l'écran des figures emblématiques de la musique classique.
1Amadeus (Milos Forman, 1984)
Il était évidemment incontournable dans un top sur les biopics musicaux. Tout a été dit sur ce film, à consommer sans modération. Mozart, dont la musique est interprétée par Neville Marriner et l’Academy of St Martin in the Fields, est présenté comme un homme frivole, fêtard et doté d’un ego surdimensionné. Mais plus que son succès planétaire, ce long métrage de Milos Forman aura contribué à faire connaître un peu mieux Salieri, et ce malgré l'exagération de sa rivalité avec Mozart – le film s'inspire de la pièce éponyme de Peter Shaffer qui prend bien des libertés avec la réalité historique. On sait bien que ce n’est pas Salieri qui a terminé, cyniquement, le Requiem au chevet d’un Mozart mourant en dépit du fait que cette scène soit l’une des plus belles de l’histoire du cinéma. D’autres éléments sont, par contre, véridiques, comme cette phrase de l’Empereur Joseph II qui déclara que la musique de Mozart comportait « trop de notes ». À signaler aussi les mises en scène d’opéras (L’Enlèvement au sérail ou Don Giovanni par exemple), particulièrement travaillées et réussies. Quoiqu’il en soit, depuis la scène d'ouverture à Vienne dans la neige sur la Symphonie nº 25 jusqu'à la fin sur le Lacrimosa du Requiem qui s’évanouit dans le brouillard, c’est sans conteste l’un des plus beaux biopics qu’ait offert le cinéma à la musique classique.
2Chronique d’Anna Magdalena Bach (Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, 1968)
Voici, à l’inverse du précédent biopic très hollywoodien, un film d’une rigueur historique incontestable. Chronique d’Anna Magdalena Bach évoque la figure mystérieuse de Johann Sebastian Bach, éclairée par le récit de sa deuxième épouse en voix off. Les réalisateurs se sont appuyés sur de nombreuses archives, livrant ainsi une monographie en noir et blanc on ne peut plus sérieuse et recommandable du cantor de Leipzig. Le casting du film est par ailleurs étonnant. Bach est interprété par Gustav Leonhardt en personne et le prince von Anhalt-Köthen par Nikolaus Harnoncourt. Par ailleurs Leonhardt ne se contente pas de réciter son texte, il joue aussi de la musique ! Les deux réalisateurs, pour qui il était impensable de réaliser un biopic d’un compositeur sans en entendre largement la musique, intègrent à la narration de longs plans séquences qui permettent d’entendre des extraits des œuvres de Bach, sous les doigts impérieux de maître Leonhardt.
3Tous les matins du monde (Alain Corneau, 1991)
Musique baroque toujours, mais dans un film d’une beauté contemplative spectaculaire. Adapté d’un roman de Pascal Quignard, ce film est l’occasion de (re)découvrir les figures de Marin Marais (Gérard Depardieu) et surtout de Jean de Sainte-Colombe (Jean-Pierre Marielle), compositeurs souvent éclipsés par Lully. Marais, qui fut l’élève de Saint Colombe, raconte son apprentissage auprès de ce virtuose de la viole, d’une austérité intimidante, et son ascension à la cour du roi. La grande réussite de ce film demeure là aussi la bande originale, qui comporte des œuvres de Marais et Sainte-Colombe mais aussi de Rameau ou Couperin, toutes dirigées et interprétées par le grand Jordi Savall, dont le film participa à sa renommée et à celle de la viole de gambe.
4Ludwig van B. (Bernard Rose, 1994)
Puisque l’année Beethoven s’est arrêtée dans les salles de concert, poursuivons-la derrière notre écran ! Si les adaptations de la vie du grand Ludwig ne manquent pas au cinéma (dont un surprenant Un grand amour de Beethoven d’Abel Gance de 1937 ou Copying Beethoven de la grande cinéaste polonaise Agnieszka Holland en 2005), ce biopic paraît le plus achevé, du moins le moins fantaisiste. La performance de Gary Oldman est grandiose dans le rôle-titre et la vie de Beethoven est retracée sans trop de perturbations scénaristiques. Le biopic part de la mystérieuse (et très véridique) « lettre à l'Immortelle bien-aimée » dont il s’agit de retrouver la trace. De la même trempe hollywoodienne que son cousin Amadeus où s’entremêlent histoire d’amour, psychologie et mise en scène grandiloquente, celui-ci paraît tout de même plus poussif – sans doute a-t-il vieilli un peu. Un film sans grandes prétentions mais qui constitue une bonne porte d’entrée dans l’univers du maître de Bonn.
5Song of love (Clarence Brown, 1947)
Un des rares films qui met en scène la vie d’une compositrice, en l’occurrence Clara Schumann. L’œuvre traite principalement des liens qui l’unissent avec Robert Schumann, constituant ainsi presque plus un biopic sur le couple Schumann que sur Clara et sa musique. S’il est dommage que la figure de la pianiste et compositrice ne soit abordée qu’à travers ses amours (et notamment sa liaison, ici romantisée à souhait, avec Brahms joué par Robert Walker), on notera que le film date de 1947 – à l’époque, voir une compositrice occuper la place centrale d'un grand film américain représentait déjà une sacrée avancée. D’autant plus que Clara Schumann est interprétée avec beaucoup de sensibilité par l’immortelle Katharine Hepburn, égérie d’Hollywood. À signaler enfin une éblouissante Mephisto Waltz nº 1 jouée par Liszt dans le film (Arthur Rubinstein dans la bande originale).
6Lisztomania (Ken Russell, 1975)
Place à présent au très fantasque réalisateur britannique Ken Russell, avec ce film consacré à la vie de Liszt. S’il est un film antagonique à notre nº 2 sur Bach, ce serait bel et bien celui-ci ! Gigantesque bazar savamment organisé pour les uns, blasphème musical pour d’autres, il est certain que cette adaptation très libre de la vie de Liszt ne laisse pas indifférent. Russell fait le choix d’un casting « rock » puisque c’est le chanteur Roger Daltrey (fondateur de The Who) qui interprète avec fougue le compositeur, accompagné par Ringo Starr en pape ou Rick Wakeman en Wagner. Si Russell suit quelques grandes étapes de la vie de Liszt, celles-ci sont constamment remaniées par des anachronismes et autres excentricités en tout genre. Dans le même style et pour votre plus grand plaisir (ou pas), Russell a aussi tourné La Symphonie pathétique (1970) et Mahler (1974).
7La Belle Meunière (Max de Rieux et Marcel Pagnol, 1948)
Changement radical d’atmosphère avec ce film assez étrange. Les deux réalisateurs nous présentent un Schubert aux accents fortement provençaux (Pagnol oblige), interprété par l’immense Tino Rossi. Là encore très librement inspiré de la vie du compositeur croisée avec le cycle de lieder éponyme, le scénario suit Schubert qui fuit la ville pour retrouver l’inspiration, ce qui l'amènera à rencontrer la fille du meunier. On peut ainsi entendre le fameux « Ständchen » chanté au bord d’un ruisseau, accompagné à la guitare avec le timbre chaud et bien chantant, immédiatement reconnaissable, de la vedette corse. Si on a plus l’impression de se trouver au pied du Mont Ventoux que dans les Alpes autrichiennes, ce film vaut le détour, rien que pour admirer ce Schubert atypique, assurément inimitable.
8Florence Foster Jenkins (Stephen Frears, 2016)
Seul film du top n’ayant pas pour sujet principal sur un compositeur, il n’en demeure pas moins porté par un casting de haut vol (Meryl Streep, Hugh Grant). Ce biopic est consacré à la figure de Florence Foster Jenkins, tristement célèbre pour son manque complet de talent artistique qui l'amena pourtant jusqu’au Carnegie Hall. Meryl Streep incarne avec brio cette chanteuse malheureuse, dont le réalisateur restitue la vie sans trop de fantaisies biographiques. Si le film a pu souffrir de la comparaison dans nos salles avec le Marguerite de Giannoli sorti un an plus tôt, plus baroque, il faut dire que le film français s’autorise plus de libertés et sort de la catégorie « biopic » pour rentrer dans la fiction. La réalisation est ici propre, les acteurs à un haut niveau, de quoi passer un bon moment.