« La liberté ! », s’exclame Laurent Joyeux, directeur de l’Opéra de Dijon. Voilà le mot d’ordre qui va guider l’institution bourguignonne tout au long de la saison 2018/19. Loin d’être anodin, ce thème militant va irriguer toutes les productions de l’année, à commencer par Jenůfa, de Leoš Janáček, le 26 septembre. Avec cet ouvrage majeur, l’Opéra poursuit son cycle consacré au compositeur tchèque, trois ans après la somptueuse Káťa Kabanová. Plus que jamais d’actualité, Jenůfa traite de la liberté de la femme à disposer de son cœur – et de son corps. La mise en scène de cette nouvelle production sera confiée à un artiste habitué des lieux : Yves Lenoir fera un retour attendu sur les planches dijonnaises, deux ans après avoir placé l’Orfeo de Monteverdi dans un univers à la Andy Warhol. La distribution mettra à l'honneur d’autres valeurs sûres de l’institution lyrique : à la tête des Czech Virtuosi, Stefan Veselka sera de l’aventure, de même que Sabine Hogrefe et Daniel Brenna, cinq ans après leur couple wagnérien du Ring. Le rôle-titre sera incarné par le timbre riche et coloré de la soprano Sarah Jane-Brandon.
Les cinq autres productions lyriques exploreront un large éventail de styles et d’époques : en novembre, Nabucco de Giuseppe Verdi sera servi par la mise en scène et les vidéos engagées de Marie-Ève Signeyrole. Le célèbre « Va, pensiero », hymne intemporel à la liberté politique et patriotique, sera transposé dans le Moyen-Orient d’aujourd’hui, entre bombardements et chaînes d’information en continu. La direction musicale sera confiée à Roberto Rizzi-Brignoli, excellent dans ce même ouvrage à l’Opéra de Rome l’an passé.
En février 2019, un opéra baroque vénitien sera interprété par des spécialistes de renom : en résidence à Dijon cette saison avec sa Cappella Mediterranea, le maestro Leonardo Garcia Alarcón ressuscitera La Finta Pazza de Francesco Sacrati. Ce chef-d’œuvre fondateur du genre lyrique conte les aventures d’Achille et de la princesse Déidamie avant le départ pour la guerre de Troie. Dans le rôle de l’héroïne, la voix puissante et expressive de Mariana Flores se confrontera à la mémorable scène de folie qui a fait la renommée de l’ouvrage. Jean-Yves Ruf mettra en scène cette première production de l’opéra en France… après plus de trois siècles et demi d’oubli.
Le clou de la saison lyrique interviendra le mois suivant, avec la nouvelle production des Boréades, ouvrage du plus célèbre compositeur dijonnais, Jean-Philippe Rameau. L’œuvre est une attaque frontale de la monarchie et de ses privilèges : le pouvoir tyrannique de Borée est renversé par le roturier Abaris, dont la reine Alphise est éprise. Cette ode à la liberté bénéficiera d’un casting de première catégorie : la mise en scène du fantasque Barrie Kosky côtoiera la direction musicale d’Emmanuelle Haïm, toujours impeccable à la tête de son Concert d’Astrée. Les timbres clairs de Mathias Vidal et Hélène Guilmette mèneront la distribution dans cet ouvrage monumental du compositeur dijonnais.
Les amateurs de belles voix françaises suivront avec attention la prometteuse Antoinette Dennefeld, membre de la fabuleuse troupe du Domino noir à l’Opéra-Comique la saison dernière. Elle s’emparera en mai 2019 du rôle-titre de Carmen, sous la direction d’Adrien Perruchon. La saison lyrique s’achèvera avec la création française de Koma, de Georg Friedrich Haas. Salué par la critique il y a deux ans au festival de Schwetzingen, l’opéra invite à une spectaculaire expérience sensorielle : à travers le coma du personnage central, Michaela, ce sont la maladie et la mort qui sont observées d’une manière inédite, entre sonorités inouïes et jeux de lumière captivants.
Comme chaque année, la saison lyrique se double d’une plus modeste saison chorégraphique et d’une solide saison de concerts, riche d’une trentaine d’événements. Parmi les invités de marque, signalons des virtuoses du clavier qui viendront interpréter leurs répertoires de prédilection : sur son habituel pianoforte, Andreas Staier proposera deux récitals consacrés aux dernières œuvres de Franz Schubert ; le ténébreux Boris Berezovsky lui emboîtera le pas dans un récital 100% romantique russe, tandis que Murray Perahia viendra diriger l’Academy of St. Martin-in-the-Fields, du piano, dans un concert intégralement beethovenien. Les jeunes publics auront aussi leur part de piano : en compagnie du comédien Pio Marmaï, Claire-Marie Le Guay interprètera en janvier L’Histoire de Babar, de Francis Poulenc, dans sa version originale.
Parmi les temps forts de la saison, mentionnons une série de concerts qui, fin janvier, tissera des liens ténus entre musiques du passé et du présent : les fascinantes Sonates du rosaire de Heinrich Biber trouveront un écho dans les Durées naturelles de Karlheinz Stockhausen ; l’Italie de Franz Liszt (extraite des Années de pèlerinage) résonnera dans les sonates virtuoses de Salvatore Sciarrino ; un surprenant recueil du compositeur baroque vénitien Biagio Marini viendra concurrencer le non moins vénitien et inventif Luigi Nono, dans un concert pour musiciens mobiles. Habitué de la scène dijonnaise, le compositeur et claveciniste Brice Pauset sera à l’affiche de cette programmation digne d’un festival, en compagnie de l’Académie des Cosmopolites et du pianiste Jean-Pierre Collot.
Pendant le reste de la saison, la « liberté » dijonnaise rimera décidément avec diversité : les ensembles invités couvriront une palette de styles musicaux extrêmement variés, depuis les musiques médiévales de l’Ensemble Gilles Binchois jusqu’aux compositrices d’aujourd’hui mises à l’honneur par l’ensemble Intercontemporain, en passant par les musiques classiques et romantiques d’Anima Eterna Brugge sur instruments d’époque.
Pour finir ce tour d’horizon (non exhaustif) des festivités de l'Opéra, signalons que Les Dissonances poursuivront leur résidence dans la capitale bourguignonne, avec de nouveaux concerts symphoniques donnés audacieusement sans chef d’orchestre : outre la Symphonie n° 1 de Gustav Mahler et la Symphonie n° 11 de Dmitri Chostakovitch, L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky viendra prolonger les explorations de l’orchestre dans les ballets russes, après un Sacre du printemps mémorable l’an passé. Sans baguette pour les diriger, les musiciens continueront d'expérimenter leur « liberté », mot-clé d'une saison dijonnaise qui promet de grands moments de musique.
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Article sponsorisé par l'Opéra de Dijon.