Citez cinq Belges célèbres. Voilà un petit jeu qui risque de voir plus d'un participant faire chou (de Bruxelles) blanc, une fois qu'auront été mentionnés les noms de Tintin et Hercule Poirot – Audrey Hepburn étant une jolie réponse.

Les mélomanes pourraient proposer le violoniste Eugène Ysaÿe ou le compositeur César Franck, bien que cette dernière proposition ne soit que partiellement correcte. Lorsque Franck est né à Liège en 1822, la ville faisait partie du royaume uni des Pays-Bas. Il a passé la majeure partie de sa vie à Paris, où il a été organiste à la Basilique Sainte-Clotilde de 1858 à sa mort en 1890, et professeur au Conservatoire à partir de 1872. De nombreuses sources le décrivent comme un Français ou, dans le meilleur des cas, un Franco-belge.

César Franck à l'orgue de la Basilique Sainte-Clotilde, en 1888
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La plupart des meilleures œuvres de Franck ont été composées au cours des quinze ou vingt dernières années de sa vie. À l'exception de quelques partitions, sa musique est de nos jours généralement méconnue. La piété catholique qui se dégage d'une partie de ses œuvres n'est peut-être plus vraiment au goût du jour, mais j'espère que vous ferez quelques belles découvertes dans ce top 10.

1 Symphonie en ré mineur

Vous aurez bien de la chance si vous trouvez la possibilité de la voir en concert ! Autrefois incontournable, la seule symphonie de Franck est une œuvre tardive, créée un an avant la mort du compositeur en 1890. Elle a été écrite un an après la Symphonie n° 3 avec orgue de Camille Saint-Saëns et on y trouve un même sens de la grandeur, mais aussi une bonne dose de joie dans le finale. Elle est en trois mouvements, le mouvement central commençant par un thème de cor anglais sur une harpe et des cordes en pizzicati. Si vous aimez la Troisième de Saint-Saëns, vous adorerez cette symphonie.

2 Sonate pour violon et piano en la majeur

C'est probablement l'œuvre de Franck la plus jouée aujourd'hui, notamment parce que les violoncellistes et les flûtistes (entre autres instrumentistes) se la sont appropriée pour l'ajouter à leur répertoire. Il s'agit d'une sonate raffinée et mélodieuse, avec une partie de piano formidable – il suffit d'écouter les premières mesures turbulentes du deuxième mouvement – tandis que le finale paraît baigné d'un soleil de fin d'après-midi.

3 Le Chasseur maudit

Ce poème symphonique de 1882 est un concentré d'horreur gothique qui doit beaucoup à Weber et Berlioz. Un comte de Rhénanie est poursuivi pour l'éternité en guise de punition pour avoir osé aller à la chasse le jour du sabbat. Les cors bucoliques et les cloches d'église qui ouvrent ce poème symphonique font bientôt place à une poursuite démoniaque de cordes tremolando et de bois macabres.

4 Prélude, Chorale et Fugue

En tant qu'organiste, Franck s'est beaucoup inspiré de Bach pour sa musique pour clavier. Son œuvre pour piano la plus populaire est cette pièce imposante de forme cyclique : chacune des trois sections comporte un thème récurrent qui apparaît d'abord comme un récitatif dans le Prélude, puis dans le passage de transition précédant l'énoncé du Choral, et enfin dans le sujet de la Fugue elle-même. La pièce se termine par une combinaison des thèmes et des textures des trois sections, dans un climax d'une remarquable virtuosité.

5Quintette pour piano et cordes en fa mineur

Créé en 1880 par le Quatuor Marsick avec Camille Saint-Saëns (le dédicataire) au piano, le Quintette de Franck est une autre œuvre composée au cours de la dernière période fructueuse de sa vie. C'est une autre partition emblématique du style cyclique de Franck : un thème fondateur apparaît 18 fois dans le premier mouvement et revient dans les deux autres mouvements.

6 Trois Chorals pour orgue

Franck disait à son élève Pierre de Bréville : « Avant de mourir, je vais écrire des chorals d'orgue, ainsi qu'a fait Bach, mais sur un autre plan. » Il s'y est mis tard. Ses Trois Chorals, considérés par les organistes comme le grand héritage de Franck, furent composés durant l'été 1890, mais il mourut avant d'avoir pu procéder à la registration sur l'orgue de Cavaillé-Coll dont il était titulaire, et ils furent publiés à titre posthume. Ici, ils sont joués de manière poignante sur l'instrument de Notre-Dame de Paris par l'organiste titulaire Olivier Latry.

7 Variations symphoniques

Les Variations symphoniques pour piano et orchestre de Franck sont rarement jouées dans les salles de concert, mais elles sont familières des balletomanes britanniques car elles ont été chorégraphiées par Sir Frederick Ashton en 1946 et figurent toujours au répertoire du Royal Ballet. Il s'agit d'une œuvre sombre, qui n'est pas sans rappeler le mouvement central du Quatrième Concerto pour piano de Beethoven, et qui repose entièrement sur deux thèmes – mais ceux-ci évoluent continuellement avec une certaine fantaisie.

Et voici Marianela Núñez et Vadim Muntagirov dans un extrait du ballet d'Ashton :

8 Psyché

Psyché était un sujet bien sensuel pour un compositeur qui se consacrait à la religion comme Franck. Ce gigantesque poème symphonique (près de 50 minutes) s'appuie sur le mythe grec de Psyché et Éros et comporte un chœur (sans basses). La déesse Aphrodite est jalouse de la beauté de la mortelle Psyché, et persuade son fils Éros de lui jeter un sort pour que personne ne tombe amoureux d'elle. Éros tire sa flèche mais, maladroitement, se blesse lui-même et tombe amoureux de Psyché. Étant mortelle, Psyché ne doit pas regarder le visage d'Éros... mais elle le fait, évidemment. S'ensuivent des châtiments et des conflits, finalement résolus lorsqu'ils sont unis par Zeus dans un mariage éternel.

9 Panis Angelicus

Reprenant le texte du cantique des matines pour la Fête-Dieu, Panis Angelicus est l'une des mélodies les plus populaires de Franck, même si beaucoup de gens ignorent que Franck en est le compositeur. Elle a été enregistrée des centaines de fois, mais fait partie d'une œuvre plus vaste, la Messe à trois voix. Elle est souvent chantée par un ténor soliste, ici le grand Luciano Pavarotti :

10 Hulda

Voici une découverte relativement récente. Hulda est l'un des quatre opéras de Franck (rarement voire jamais donnés). C'est une tragédie romantique, une histoire sanglante de meurtre, d'amour, de vengeance et de suicide qui se déroule dans la Norvège de l'ère viking. Heureusement, l'opéra a été exhumé et enregistré et il s'avère être une pièce formidable. En voici un bref aperçu :

Fort opportunément, Hulda a été jouée en concert à Liège, ville natale de Franck, à l'occasion du bicentenaire de la naissance du compositeur cette année. Espérons qu'elle sera bientôt mise en scène !


Article traduit de l'anglais par Tristan Labouret