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En termes de décibels, Stravinsky et Bartók ont permis à Valery Gergiev de conclure son mandat à la tête du London Symphony Orchestra avec fracas lors d'une brève série de concerts de clôture à la Philharmonie de Paris, au Barbican à Londres et au Lincoln Center à New-York. Il y a eu peu de bruit ou de cérémonie autour de cet événement, que ce soit dans la presse internationale ou de la part de l'orchestre lui-même. À part la présentation à la fin du concert au Barbican, on a la sensation très nette que le LSO pousse un soupir de soulagement.
Durant ses huit années à la tête de l'orchestre, les inévitables critiques ont abondamment circulé à propos son emploi du temps de ministre et le fait qu'il ne passait pas assez de temps à Londres. Le manque de temps pour les répétitions a conduit à une routine lors de certains concerts, alors que d'autres – tel La Belle au Bois Dormant lors des BBC Proms où le LSO semblait déchiffrer à vue – avait quelquechose qui tenait l'auditeur rivé à son siège... bien que les musiciens d'orchestre ne partagaient probablement pas ce sentiment.
Cependant, je suis sûr que Clive Gillinson, le directeur administratif du LSO au moment où Gergiev a été embauché, savait exactement à quoi s'attendre. Gergiev ne lâcherait jamais le Mariinsky qu'il a catapulté sous le feu des projecteurs dans les années 1990 (il s'intitulait alors Kirov). Son emploi du temps serait surchargé. Londres jouerait toujours le second violon.
Cela fait des décennies que j'apprécie énormément sa manière de diriger. Si je devais faire la liste des dix meilleurs concerts auxquels j'ai assisté, Gergiev occuperait la moitié d'entre eux : une démoniaque Symphonie n° 4 de Chostakovitch avec l'Orchestre Kirov en 2002 reste gravée dans ma mémoire, entre autres pour ce silence incroyable à la fin du concert qui semblait s'étirer sur des minutes entières ; Schéhérazade, L'Oiseau de Feu et Daphnis et Chloé avec le Philharmonia dans le cadre de la série Diaghilev donné au Southbank en 2000 ; une saisissante « Babi Yar » de Chostakovitch avec le Mariinsky, encore une fois aux Proms. Vous voyez le lien ? Oui, le répertoire russe. C'est ce qu'il fait le mieux. C'est son cycle Prokofiev, en tant que chef invité du LSO en 2004, qui initia la relation (Gergiev n'avait auparavant dirigé l'orchestre qu'une seule fois en 1998), c'est donc sans surprise que le répertoire russe est ce qui soit ressorti du lot durant l'exercice de ses fonctions. Son interprétation de Roméo et Juliette de Prokofiev en 2008, mise en ligne par la suite sur LSO Live, était sensationnelle, et sa récente Symphonie n° 15 de Chostakovitch était électrifiante.
Quand Gergiev s'est écarté de son répertoire familier, à l'occasion de l'une de ses quelques 310 représentations en tant que chef principal, les résultats n'ont pas toujours été convaincants. Un cycle Mahler intermittent et diverses œuvres de Brahms ont moins bien marché que ses incursions dans la musique française. Et pourtant, j'aurais souhaité qu'il fût plus aventureux. Sir Colin Davis avait exploré abondamment le répertoire anglais mais, étant donné la puissance de Gergiev dans Chostakovitch, j'aurais aimé l'entendre diriger la Symphonie n° 4 de Vaughan Williams. Avoir ignoré Elgar et Vaughan Williams me semble avoir été une opportunité manquée.
Je suis sûr que Sir Simon Rattle apportera un plus grand esprit d'aventure à ses programmes du LSO, tout autant que je suis sûr qu'il parlera ouvertement de sujets important tels l'enseignement musical et offrira un charisme artistique qui dépassera les limites de l'orchestre. Gergiev a fait exactement ce qu'on attendait de lui – nous bombarder de musique russe lors d'un passage en coup de vent. Les résultats étaient entièrement prévisibles, il me semble discourtois de lui reprocher d'avoir tenu son engagement au moment où il s'éclipse discrètement vers St Pertersbourg. Et au moins, maintenant, on aura peut-être plus de tournées du Mariinsky...