Savoir qu'une ville prend soin de sa vie musicale a quelque chose de revigorant. En se promenant dans les rues de Montréal, on ne peut s'empêcher de remarquer la profusion d'affiches et de panneaux attirant l'attention sur les festivals de musique à venir, les concerts les plus attendus et les événements musicaux les plus spécifiques. À l'arrivée du printemps, Montréal foisonne de vie et d'art, la musique jouant un rôle crucial dans ce tableau florissant. C'est d'ailleurs pour apprécier cette ambiance animée que je me suis rendue dans la ville au début du mois de juin, à l'occasion de la 20e édition du Concours musical international de Montréal (CMIM).

Les finalistes du volet mélodie
© Tam Photography | CMIM

Fondé en 2001 par le philanthrope André Bourbeau et la basse Joseph Rouleau, le CMIM a lieu régulièrement depuis, alternant chaque année entre ses trois catégories (voix, violon et piano) et mettant en avant des jurys internationaux de premier plan. Sa fréquence annuelle et son fort attrait pour les artistes émergents et le public ont fait du CMIM l'un des concours de musique les plus prisés en Amérique du Nord et au-delà. Mais il n'y a pas que la compétition : pendant leur séjour de dix jours à Montréal, les participants ont la chance d'assister à des master classes données par des experts renommés dans leur domaine, de se produire avec d'autres musiciens talentueux – dont l'Orchestre symphonique de Montréal, l'orchestre officiel du concours – et de profiter de la scène culturelle dynamique de la ville.

Retrouvant enfin ses salles de concert après le confinement, l'édition de cette année était consacrée à la voix, elle-même divisée en deux « volets » : mélodie et aria. Parmi les nombreux jeunes chanteurs qui se sont présentés, trente-deux concurrents étaient sélectionnés, dont deux participaient aux deux volets. 

Sans surprise, de nombreuses candidatures provenaient du Canada. C'était le cas de la soprano Sarah Dufresne et de la mezzo Simone McIntosh, toutes deux finalistes dans le volet aria et lauréates respectivement du deuxième et du premier prix. Outre ses racines canadiennes, le concours a cependant un rayonnement réellement international, comme le montrait clairement la mezzo allemande Valerie Eickhoff, lauréate du troisième prix du volet aria. « Je me souviens d'avoir vu le CMIM sur YouTube et de m'être dit que c'était une excellente opportunité. J'ai fini par me décider à poser ma candidature – et voilà où j'en suis ! », dit-elle en riant. La grande notoriété du concours lui permet de dépasser largement les frontières de l'Amérique du Nord, puisque seize pays différents étaient représentés dans cette seule édition.

Valerie Eickhoff, troisième prix du volet aria
© Tam Photography | CMIM

Du côté des jurés, le processus de sélection est stimulant mais tout de même exigeant – et pas seulement en raison du véritable talent des concurrents. Présidé par Zarin Mehta, le jury de cette année était composé de huit experts d'horizons divers, dont Sir Thomas Allen, Hartmut Höll, Adrianne Pieczonka et Christine Schäfer – chacun d'entre eux animant également une master classe dans le cadre du CMIM. Comme on pouvait s'y attendre, les jugements n'ont pas toujours été unanimes. Toutefois, cette pluralité est le gage d'une évaluation minutieuse, où chacun apporte son point de vue personnel dans la balance et contribue à formuler un verdict équilibré. C'est d'ailleurs avec curiosité, intérêt et plaisir que j'ai suivi le processus, comparant mes propres impressions aux décisions du jury.

Officiellement lancé le 31 mai, le concours s'est déroulé en trois tours, réduisant progressivement le nombre de participants. Chaque tour avait son propre règlement, qui dictait la longueur et le contenu des programmes, notamment les exigences linguistiques. Après la première série de représentations, la demi-finale du volet mélodie a commencé : sur six concurrents, trois ont été sélectionnés par le jury pour la finale. Ici commence mon reportage de première main.

Après être arrivée à Montréal le 4 juin et m'être accordé un peu de temps pour me remettre d'un léger jet lag, j'ai assisté le lendemain à mon premier concert du CMIM – la finale mélodie – dans la magnifique salle Bourgie, rattachée au Musée des beaux-arts. Tour à tour sur scène, les trois concurrents, accompagnés de leurs pianistes, ont interprété un programme de 35 minutes comprenant des œuvres dans au moins trois langues différentes. Il n'est pas exagéré de dire que ces jeunes artistes étaient non seulement prometteurs, mais déjà pleinement capables de tenir la scène.

Le lauréat du troisième prix (mélodie) Bryan Murray et son pianiste Olivier Godin
© Tam Photography | CMIM

Accompagné du pianiste Olivier Godin, le baryton américain Bryan Murray ouvrait le concert. Concourant dans les deux volets du concours, qui lui a valu la troisième place parmi les lauréats du concours de mélodie, les pièces de résistance* de Murray semblaient être les lieder de Mahler, en particulier une sélection magnifiquement exécutée de Des Knaben Wunderhorn. La capacité de Murray à restreindre sa voix jusqu'à un pianissimo tout en la faisant résonner dans la salle de concert était remarquable.

Entrant en scène après lui, la soprano britannique Harriet Burns et le pianiste Ian Tindale ont interprété un programme très varié comprenant des œuvres de Haydn, Hoiby, Stenhammar, Schubert, MacMillan et Dvořák. Les deux musiciens, qui ont récemment donné une tournée de récitals aux Pays-Bas, ont fait preuve d'une grande polyvalence tout en conservant une personnalité sonore propre. Les harmoniques claires de Burns se sont démarquées dans la Ballade de MacMillan, produisant un effet hypnotique. Son deuxième prix était bien mérité.

La lauréate du deuxième prix (mélodie) Harriet Burns et son pianiste Ian Tindale
© Tam Photography | CMIM

Toutes deux basées à New York, la soprano américaine Meredith Wohlgemuth et la pianiste sud-coréenne Jinhee Park collaborent en duo depuis environ un an. Sur scène, elles ont fait preuve d'une formidable alchimie : tout au long de leur prestation, elles ont vibré ensemble, le timbre chaud de Wohlgemuth et le jeu de piano passionné mais étudié de Park. La fine musicalité de la soprano et son sens du phrasé ne sont pas passés inaperçus, ce qui lui a valu le premier prix et la généreuse bourse de développement de carrière Joseph-Rouleau. « Pour moi, m'a-t-elle expliqué, le CMIM n'est pas seulement un concours mais aussi une occasion de rendre hommage aux compositeurs dont nous aimons jouer la musique, mon pianiste et moi : le répertoire allemand, mais aussi la musique contemporaine américaine. C'était un plaisir et un honneur de partager cela avec le public. »

La lauréate du premier prix (mélodie) Meredith Wohlgemuth et son pianiste Jinhee Park
© Tam Photography | CMIM

Bien engagé dans sa phase la plus bouillonnante, le concours est entré dans ses derniers jours, consacrés au volet aria. L'excitation était palpable dans la nouvelle salle, la Maison symphonique, et deux nouveaux protagonistes se sont retrouvés sous les feux de la rampe : l'Orchestre symphonique de Montréal et son chef invité Jacques Lacombe. Tout au long de la demi-finale et de la finale, le public s'est familiarisé avec la direction attentive de Lacombe et sa main ferme mais délicate sur l'orchestre. Après des demi-finales palpitantes, cinq des dix chanteurs ont été sélectionnés pour passer en finale, où chaque concurrent disposait de quatorze à dix-huit minutes pour interpréter trois arias dans au moins deux langues différentes. La soirée est passée rapidement et sans temps mort, démontrant la familiarité des concurrents avec un répertoire très varié.

Après l'introduction habituelle – une ouverture orchestrale, dans ce cas la sinfonia du Barbier de Rossini –, la première à monter sur scène était la mezzo Valerie Eickhoff. Son programme montrait une passion non dissimulée pour Mozart (« Deh, per questo istante solo ») et Rossini (« Una voce poco fa »), sa Rosina alliant une colorature sans faille à une délicieuse espièglerie. Eickhoff a récemment signé un contrat avec le Deutsche Oper am Rhein, promettant ainsi une présence régulière – et bienvenue – dans leurs théâtres.

Le contre-ténor allemand Nils Wanderer a allié audace et sensibilité, et son programme entièrement baroque en demi-finale lui a valu une sélection légitime pour le dernier round. Testant son aisance dans le répertoire moderne, Wanderer a donné une interprétation poignante de Sea Slumber Song d'Elgar. Les sauts du contre-ténor entre les registres extrêmes ont été effectués avec une agilité impressionnante, ce qui lui a assuré le Prix du public.

Simone McIntosh, premier prix du volet aria
© Tam Photography | CMIM

La polyvalence et le charisme semblent être la marque de fabrique de Simone McIntosh. Comme nous l'avons mentionné, la mezzo-soprano a obtenu le premier prix et a été accueillie par des applaudissements nourris du public – et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi. Sa voix s'est rapidement adaptée à chaque pièce, conservant son timbre plein et agréable tant dans les remous lyriques de Strauss que dans les coloratures difficiles de Rossini. « J'aime chanter Mozart et Haendel, mais j'aime aussi approfondir la musique des XXe et XXIe siècles, m'a-t-elle dit. Schönberg, Berg, Messiaen, ainsi que des compositeurs contemporains. Je me sens attirée par ce répertoire. »

Comme l'a fait remarquer la jurée Adrianne Pieczonka, « le nombre de chanteurs canadiens participant au concours est une indication de l'excellente formation vocale que le pays a à offrir. » C'était effectivement le cas de Sarah Dufresne, dont le colorature apparemment sans effort s'est taillé une réputation dans le concours. Naviguant à travers des classiques tels que « Caro nome » et « Je veux vivre » de Roméo et Juliette de Gounod, Sarah Dufresne a remporté le deuxième prix grâce à son soprano plein de corps et de vivacité. En parlant de son répertoire, elle aborde la question sous un angle peu conventionnel : « Bien que mon type de voix exige généralement certains rôles, je suis extrêmement fascinée par les personnages shakespeariens, m'a-t-elle confié. En fait, j'ai tendance à privilégier avant tout la complexité dramatique. »

Sarah Dufresne, deuxième prix du volet aria
© Tam Photography | CMIM

Autre chouchou du public, le baryton canadien Hugo Laporte a clôturé le concours. Le trait de caractère de Laporte était ce qu'on pourrait appeler sa générosité : ce baryton puissant et solide a offert au public un style de chant clair et doux. On peut supposer que Laporte se sent chez lui dans les lignes mélodiques soignées, et ses débuts prévus à la Scala en 2023 seront à suivre de près.

Avec l'annonce des gagnants des deux volets, la soirée s'est terminée dans la bonne humeur. Artistes et public se sont retrouvés dans un afterparty animé, dernier événement avant la clôture d'une édition mémorable. Et comme l'a fait remarquer le juré Renaud Loranger, « avec des candidats aussi talentueux, nous ne voudrons pas manquer leur évolution dans les prochaines années ».


*en français dans le texte

Article traduit de l'anglais par Tristan Labouret

Cet article et le voyage de presse d'Elena Luporini ont été sponsorisés par le Concours musical international de Montréal.