Dix danseurs jaillissent d’une porte présente en fond de scène et forment un cercle. Sur le plateau blanc et dénudé du Théâtre de Chaillot, le cercle est éclaté pour donner à voir des chorégraphies qui occupent tout le plateau. Les danseurs vont au sol, se redressent, se portent : tous les axes sont explorés pendant l'heure et quart que dure le spectacle. Un travail sur les lignes des corps est particulièrement remarquable : les danseurs effectuent des équilibres en planche sur une jambe et se placent les uns derrière les autres dans les diagonales du plateau, produisant un effet visuel de prolongement d’un seul corps, très réussi. Par instant le groupe se fige, comme un ensemble de statues. Les danseurs s’observent, s’attendent, se regardent et travaillent en vraie communauté dans un esprit d’écoute et d’ensemble très impressionnant.
La qualité de WORKS repose en grande partie sur ce travail de groupe exceptionnel et rarement aussi bien synchronisé ! La partition dansée propose des mouvements qui sont repris par les interprètes à divers moments, créant un vocabulaire commun que l’on retrouve à plusieurs endroits du spectacle. La chorégraphie d'Emanuel Gat donne à se mouvoir tout le corps : des doigts des danseurs en passant par les coudes, les hanches, les chevilles, la nuque, aucune partie du corps n’est inexploitée.
Les costumes aussi variés que colorés permettent de voir les corps en mouvement dans une représentation éclectique de la société. Deux danseurs sont vêtus de chaussettes montantes jaunes ou bleues, l’un porte un kilt, un autre est en robe rose, une danseuse arbore une robe fleurie longue alors qu’une autre revêt un short noir, bref : le tout forme un joyeux ensemble bariolé et vivant.
Une succession de tableaux laisse voir des duos, trios, solos ou quatuors aux énergies et couleurs bien différentes, où les qualités et personnalités de chacun se révèlent davantage que dans l’homogénéité du groupe. Le trio formé par une danseuse et deux de ses homologues masculins est particulièrement marquant. Rythmé par une musique aux pulsations fortes et les frappes des mains des danseurs, il montre une dynamique exceptionnelle ainsi qu'une qualité de mouvement et de liens entre les trois corps. Une agilité et une animalité se retrouvent dans plusieurs tableaux, où les corps sont parfois soumis à une souplesse qui cherche à dépasser les limites du corps humain. Le relâchement des corps qui vibrent parfois comme s’ils étaient en transe est aussi remarquable. La chorégraphie soumet donc les corps à différents états et une grande exigence physique.
Le finale du spectacle est explosif : sur une musique de Nina Simone, les dix danseurs courent, se relâchent, dansent de manière plus expressive encore, souriant et laissant de côté leurs airs concentrés et soucieux du début du spectacle.
Si la chorégraphie est donc inspirée, originale et bien servie par ce groupe de danseurs, le spectacle contient malgré tout quelques longueurs. Certains duos en particulier manquent d'esprit. On regrette en outre l'absence d’un thème central ou d'un fil conducteur qui connecterait entre eux les différents tableaux, même si le cœur de WORKS repose sur les liens formidablement tissés entre les danseurs.