Pour la reprise de la saison lyrique, les planches du Théâtre du Capitole renouaient avec un Verdi régulièrement programmé ces dernières années dans le temple de l'opéra toulousain (après Un bal masqué en 2014, Rigoletto en 2015, Ernani en 2017 et MacBeth en 2018). La Traviata faisait ainsi office de figure de proue pour un lancement qui se promettait des plus intenses sous la direction musicale de George Petrou.
L'ouverture accueille le public sous le signe d'un camélia géant en relief, fixé sur un rideau noir qui va rapidement s'ouvrir en deux sur l'intrigue. On le retrouvera sur le baisser de rideau final. Dans le cœur de la fleur, Violetta apparaît et disparaît. Le milieu mondain parisien est ainsi révélé. Le deuxième acte est introduit rideau fermé par le chant des cigales et s'ouvre sur un décor de bord de mer à l'architecture moderne. Le grand ciel bleu va s'assombrir avec l'arrivée du père d'Alfredo et le retour à Paris des deux amants contre leur gré. Entièrement axé sur le trépas de Violetta, le début du dernier acte propose quant à lui un changement radical d'atmosphère, le discours réaliste cède sa place au symbolique, parfois presque au fantastique, illustrant, à l'aide des fumées et des lumières d'Hervé Gary, le sacrifice menant à la rédemption de l'ancienne courtisane.
Si l'équilibre entre le plateau vocal et l'orchestre aurait sans doute pu être plus soigné (ce dernier couvrant assez régulièrement le premier) on reste tout de même dans le domaine du remarquable. La force combinée des voix en présence respecte l'idéal du bel canto et de la puissance verdienne. Anita Hartig en Violetta Valéry était très attendue, à juste titre. La chanteuse atteint des records de puissance et de vibrato sur les passages exacerbés. S'il lui était difficile de revenir vers le grave et le doux durant les premiers actes, elle retrouve une voix fluette et douce pour le dernier acte, suivant parfaitement la métamorphose de son personnage. Airam Hernandez en Alfredo Germont est convaincant mais sans plus, ne parvenant pas à suivre la puissance imposée par la soprane suédoise. En Giorgio Germont (le père d'Alfredo), Nicola Alaimo offre une présence scénique et une clarté de voix et de langue particulièrement soignées qui font mouche auprès du public. Catherine Trottmann en Flora Bervoix est malheureusement couverte presque systématiquement par l'orchestre et compense par le jeu scénique ses rares interventions. La servante Annina (Anna Steiger) est le seul personnage a être grimé de façon grossière. Les personnages entourant la courtisane tel le Baron Douphol (Marc Scoffoni), le marquis d'Obigny (Ugo Rabec), le docteur Grenvil (Francis Dudziak) ou Gaston de Letorières (François Piolino) demeurent plus anecdotiques et bien souvent couverts par l'orchestre resté dans des nuances intenses.
Cette première mise en scène – à l'opéra – de Pierre Rambert, aidé de Laurence Fanon, est plutôt probante : l'argument est rendu atemporel par le mélange d'éléments contemporains et dix-neuvièmistes dans les décors et costumes d'Antoine Fontaine et Frank Sorbier. La transformation de la tuberculose de Violetta en cancer, l'épanadiplose autour du camélia participent d'une esthétique sobre mais soignée et efficace. On y voit l'illustration de problèmes encore actuels mais avec le romantisme et l'exégèse d'hier : de quoi ravir l'applaudimètre toulousain. Au sein de l'ovation finale, quelques fâcheux minoritaires siffleront toutefois l'historien de la musique. Anita Hartig est largement applaudie et se voit récompensée d'un florilège de bravos dont ceux du directeur Christophe Ghristi, présent dans le public pour le salut final. La salle salue tout à la fois le personnage de Dumas, la prestation de la chanteuse et son immense carrière.