Le Festival de Pâques d'Aix-en-Provence fête cette année son dixième anniversaire et deux messes, de Mozart et Rossini, ont ponctué son week-end d'ouverture. L’Ensemble Vocal de Lausanne et l'Orchestre de Chambre de Genève sont venus servir les deux compositeurs, en commençant par le Salzbourgeois samedi soir au Grand Théâtre de Provence.

La Grande Messe en ut mineur de Mozart au Grand Théâtre de Provence
© Festival de Pâques / Caroline Doutre

La Symphonie n° 40 donne d’abord l’occasion d’apprécier l’agréable rondeur du son des musiciens genevois placés sous la direction de Daniel Reuss, celui-ci veillant à l’équilibre entre les pupitres. Les bois et les cuivres peuvent ainsi s’exprimer très distinctement pour dérouler leurs jolies lignes mélodiques. Le chef parvient également à varier les dynamiques (la délicatesse des nuances piano contrastant avec la majesté des passages forte) pour interpréter un Mozart très élégant, la douceur régulièrement ressentie au cours des trois premiers mouvements laissant place à davantage de vie et de nerf au conclusif Allegro assai.

On monte encore en gamme après l’entracte avec la Grande Messe en ut mineur, les quatre tessitures des choristes de l’Ensemble Vocal de Lausanne rivalisant de précision technique et de cohésion. Les numéros purement choraux, comme le Qui tollis peccata mundi, sont admirables de naturel et d’équilibre, avec là encore une palette de volumes très étendue, entre un piano subito réalisé instantanément et d’autres séquences chantées à pleine voix.

La Grande Messe en ut mineur de Mozart au Grand Théâtre de Provence
© Festival de Pâques / Caroline Doutre

De loin la plus sollicitée parmi les quatre solistes, la soprano Berit Norbakken développe un volume mesuré qui convient à ce répertoire, se montant très aérienne dans son registre aigu, souvent angélique. Ses deux numéros solo, Laudamus te et Et incarnatus est, dignes des plus beaux et difficiles airs de concert mozartiens, sont chantés avec grâce, ainsi qu’agilité pour les moments les plus fleuris. La mezzo Barbara Kozelj charme également par sa voix riche et profonde, plus puissante dans la partie aiguë. Le ténor au timbre pincé Thomas Walker séduit nettement moins, tandis que le baryton Tobias Berndt – qui doit attendre presqu’une heure pour ses quelques phrases dans le Benedictus conclusif ! – semble plus solide et agréable.

L’horaire du lendemain matin convient à nouveau idéalement à la messe, plus précisément la Petite messe solennelle de Gioachino Rossini, dernière œuvre d’importance écrite par le compositeur. Surprise en jetant un coup d’œil au plateau : un seul piano (au lieu des deux prévus par Rossini) et plus de trente chaises pour les choristes (au lieu du nombre réduit à huit par le cygne de Pesaro) sont installés. Ces petits arrangements avec l’orchestration originale dénaturent en partie la pièce, mais il faut reconnaitre que le public du Grand Théâtre de Provence n’est pas aujourd’hui dans le salon du comte Alexis Pillet-Wills en 1864, lieu et date de la création. Les choristes produisent en effet un son plus en adéquation au volume de la salle. À nouveau sous la direction de Daniel Reuss, ils se mettent au service de la partition, dès le Kyrie d’ouverture et sa séquence a cappella. On retrouve le Rossini habituel, d’ailleurs bien plus lyrique que solennel dans cet opus, à l’exception toutefois d’un tempo particulièrement lent au cours du Cum Sancto Spiritu.

Daniel Reuss
© Festival de Pâques / Caroline Doutre

Les parties de solistes sont distribuées bien plus équitablement que chez Mozart, on retrouve les qualités goutées la veille à l’écoute des deux voix féminines : émotion et douceur du Crucifixus, puis un O salutaris hostia délicatement ciselé par la soprano Berit Norbakken, la mezzo Barbara Kozelj gagnant en ampleur dans l’Agnus Dei. Le ténor Thomas Walker confirme malheureusement le peu de séduction de son timbre nasal, se tirant tout de même sans dommage de son Domine Deus, au rythme guilleret. Tobias Berndt est plus baryton que basse, mais exprime sans difficulté les notes les plus graves de son solo Quoniam.

Simon Savoy au piano se montre excellent en technique et interprétation, mais a la tendance à monopoliser la partie musicale et donne l’impression de ne laisser que quelques miettes acoustiques à l’harmonium de Vincent Thévenaz, y compris dans la partie instrumentale seule. C’est bien dommage, cet harmonium se situant au cœur de l’ADN de la Petite messe et formant une marque du génie rossinien.

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