Déjà enregistrées par le chef – à la tête de l’Orchestre de l’Opéra Bastille – en 1993, les quatre méditations symphoniques réunies par Messiaen sous le titre L’Ascension prennent place intelligemment en première partie de concert. Ample et bien construite, l’œuvre prend le temps de s’épanouir sous la baguette de Myung-Whun Chung, qui éclaire le troisième mouvement d’une exaltation débridée : Le Sacre du printemps semble bien faire ici quelques percées. Conclues avec délicatesse dans un ultime pianissimo des cordes, ces méditations christiques forment un prélude symphonique idéal à la ferveur non moins spirituelle d’Anton Bruckner.
Pourtant, c’est une Septième Symphonie surprenante – voire déconcertante – que délivre le maestro en deuxième partie de concert. Si l’on pouvait s’attendre à une immersion totale dans les profondeurs sonores de l’orchestre, dans ses harmonies, voire dans la piété mystique dont le compositeur a tant imprégné sa musique, il en va bien autrement ce soir. Peut-être par peur de se vautrer dans le cliché de gravité dont on affuble volontiers cette partition, Myung-Whun Chung préfère au sérieux une forme de légèreté ou d’insouciance. Aussi, c’est un Bruckner dansant sous l’archet des contrebasses, aux trémolos frémissants, limpide dans l’enchaînement de ses thèmes, éclatant dans ses acmés, mais aux antipodes de l’idée que l’on peut se faire d’un quelconque recueillement. Bien peu spirituel ce soir, le maestro se plaît à faire jaillir du moindre trait instrumental, du moindre contrechant, une dramaturgie sans pudeur et analogue à celle qui naît avec le chant du coucou dans la Première Symphonie de Mahler. Mais un tel théâtre, qui cède trop souvent au maniérisme et à l’anecdote, se révèle par trop étranger à cette Septième de Bruckner. De même, l’architecture de l’œuvre se trouve mise à mal par un tempo rapide qui semble par moments se précipiter, comme pour s’affranchir au plus vite des contemplations mystérieuses de la partition, et qui finit par donner une malheureuse impression de confusion.
Peut-être à cause d’une gestique trop économe de la part de Myung-Whun Chung, ce n’est pas le Philhar’ des grands soirs qui fait résonner la Maison ronde. Outre la fragilité des cors, la dureté des trompettes, certains départs brouillons, c’est avant tout l’étagement des plans sonores qui fait défaut à l’orchestre ; défaut d’autant plus regrettable que ces œuvres – dans lesquelles l’orgue n’est jamais très loin, dans l’écriture par blocs chez Bruckner ou dans les sonorités chez Messiaen – requièrent des différents pupitre un équilibre de tous les instants. Sans cesse dominée par de brutales incursions cuivrées, et malgré les efforts des archets pour creuser leurs cordes, la phalange finit par prendre les contours d’une fanfare trop tumultueuse. Saluons néanmoins l’excellence du pupitre des violoncelles emmené par Éric Levionnois qui, par l’expressivité de son chant et la justesse de ses interventions, apporte un peu de ferveur à cette kermesse oubliable.