Marie-Agnès Gillot et Andrés Marín ont créé Magma sous le regard de Christian Rizzo (scénographie et direction artistique). Le titre, qui reprend les initiales de la danseuse étoile (M.-A. G.) et celles du danseur flamenco (M. A.), montre bien le contenu du spectacle qui est construit autour de l’identité artistique des deux protagonistes. Sur la scène du Théâtre National de Chaillot, ils sont accompagnés de Didier Ambact à la batterie et Bruno Chevillon à la contrebasse. Le lien à la musique est central dans le spectacle et accompagne avec dynamisme le solo de claquettes d’Andrés Marín ou encore les déplacements circulaires des deux danseurs.
La similitude des deux artistes est marquante : grands, fins et musclés, ils dégagent tous deux un charisme et une force extraordinaires. Leur ressemblance est accentuée par leurs visages dégagés par des cheveux noués à l’arrière de la tête et leurs costumes noirs laissant voir leurs bras nus. Leurs duos restent cependant sobres, avec peu de contact et d’exploration de cette ressemblance, ce qui est dommage. Là où on attendait un corps-à-corps et une rencontre explosive de deux univers, chacun semble rester dans son vocabulaire chorégraphique. Ainsi, Marie-Agnès Gillot mêle mouvements académiques (dégagés, ports de bras, retirés) et mouvements plus contemporains au sol ou en bougeant le dos ; et Andrés Marín évolue de son côté dans une gestuelle flamenco rythmée et dynamique.
Ces deux styles sont beaux à voir mais la cohabitation sur scène ne prend pas et témoigne simplement de l’hétérogénéité de ces danses, très techniques et remarquables par ailleurs. Si les deux danseurs exécutent parfois les mêmes pas côte à côte, ils ne parviennent pas à trouver une alchimie et à épouser un réel vocabulaire commun. Certaines idées sont tout de même intéressantes, notamment dans le travail de bras qui explore une grande amplitude de mouvement : des bras du cygne aux torsades des poignets, les deux artistes créent des figures alambiquées ou étirées.
La scénographie plutôt sombre place en fond de scène de grands panneaux gris foncés, derrière lesquels circulent parfois les deux danseurs qui disparaissent et réapparaissent. Ils tournent également autour des panneaux, tels les aiguilles d’une horloge. Ces mouvements semblent inviter à réfléchir sur le temps qui s'écoule. L'allusion est plus explicite dans le dernier instant du spectacle où Marie-Agnès Gillot, après un dernier solo, pousse un long bâillement jusqu’à disparaître derrière le panneau, figurant fatigue ou ennui du temps qui passe.
Les musiciens, surélevés par une estrade côté cour, jouent en contact visuel constant avec les danseurs. La musique est amplifiée jusqu’à devenir parfois presque assourdissante ; serait-ce pour évoquer la notion de fusion magmatique ? L’intensité sonore décontenance, paraissant parfois en décalage avec la sobriété et la simplicité du mouvement qui se déroule en même temps.
Dans l’ensemble, Magma est donc un spectacle peu convaincant bien qu’on ait plaisir à revoir sur scène ces deux danseurs, icônes classique et flamenco. Peut-être est-il justement plus difficile de construire un vocabulaire commun lorsque les deux chorégraphes sont justement de très grands artistes, aux styles et aux histoires déjà si complètes...