Baskets blanches, trompette dans une main tandis que l’autre reste dans la poche, Ibrahim Maalouf affiche un large sourire en entrant sur la scène du Parvis avant d’aborder le Concerto pour trompette et orchestre en mi bémol majeur de Johann Nepomuk Hummel, en compagnie de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn. L’événement est suffisamment rare pour être souligné : à l’invitation de l’orchestre, le trompettiste fait un retour au répertoire classique, sans abandonner sa spontanéité et son expérience issue d’autres mondes musicaux. Avant le bis, il prendra le micro pour s’adresser au public et dire sa joie de revenir au classique qui représente « vingt ans de sa vie », et il proposera à la salle de chanter avec lui sur Red and Black Light, mêlant habilement story telling et échanges humoristiques.
Avant cela, Ibrahim Maalouf aura fait preuve de tout son talent dans l’œuvre de Hummel. Après l’introduction orchestrale de l’Allegro con spirito, le soliste livre un son presque sec et murmuré, laissant tomber les fins de phrases et les notes répétées, montrant une maîtrise très fine et précise de sa colonne d’air y compris dans des nuances très faibles. Progressivement, la trompette sera de plus en plus affirmée avec une explosion réservée pour les dernières mesures du premier mouvement. L’Andante offre ensuite un son plus affirmé et continu, proche de la performance tant certaines phrases sont longues. Les interactions avec l’orchestre se multiplient, le virtuose dansant légèrement lorsqu’il n’est pas en train de jouer. Le Rondo offre enfin un véritable tour de force avec des traits très clairs et articulés malgré la rapidité du tempo. Ibrahim Maalouf joue cette fois avec le court motif thématique, le faisant résonner en levant le pavillon de sa trompette ou, au contraire, l’étouffant en replongeant dans la masse orchestrale au fur et à mesure de l’œuvre. Rejoint pour le bis par un orchestre complété par les musiciens restés en coulisses, le soliste aurait sans doute aimé prolonger un peu plus les échanges avec le public… Mais la cheffe Johanna Malangré esquissera un « non » clair de la tête qui mettra fin à cette première partie.
La cohabitation du trompettiste avec l’orchestre et la cheffe allemande, directrice musicale de l’Orchestre de Picardie formée dans la tradition germanique classique, n’est pas sans détonner. Le concert avait débuté dans une atmosphère très sérieuse avec La Belle Mélusine, ouverture de Felix Mendelssohn que Johanna Malangré dirige de manière très rigide. Les traits passent de pupitre en pupitre de façon claire pour les vents et violons, beaucoup moins intelligible pour les violoncelles. Le tutti orchestral reste mesuré. À la réexposition plus forte, l’ensemble donne un rendu assez noyé, qui manque de relief – mais l’acoustique de la salle n’y est sans doute pas pour rien.
Après l’entracte, la traditionnelle symphonie de seconde partie confirmera ces impressions. C’est un autre romantique, Franz Schubert, qui est cette fois à l’honneur avec sa Symphonie n° 2. L’œuvre est lancée par un premier mouvement qui donne une dimension un peu plus monumentale à l’orchestre avec des jeux sur les nuances plus exacerbés que dans la première partie, mais la direction reste laconique et avare d’individualités. Seules les cordes et les trompettes semblent marquer de leur timbre ce premier mouvement. Le deuxième mouvement Andante montre un contraste marqué avec de subtiles nuances pianissimo malgré un mouvement de baguette quasiment figé. Le caractère dansant du Menuetto allegro vivace est également assez peu exploité. La mélodie passant de pupitre en pupitre semble être le seul élément à sortir de la masse orchestrale, avec un jeu délicat sur les timbres. Enfin, le Presto vivace amène une gestuelle un peu plus individualisée vers chaque pupitre de l’orchestre lorsque chaque groupe s’exprime par des traits… La direction de Johanna Malangré sera toutefois restée extrêmement spartiate tout au long de cette symphonie.
Si la soirée reste globalement d’une très haute qualité artistique, le programme aura finalement laissé peu de place aux deux chevilles ouvrières que sont Ibrahim Maalouf et Johanna Malangré pour proposer une véritable osmose et un échange développé avec le public, chacun restant dans son domaine de prédilection, avec plus ou moins de réussite.