La saison lyrique se clôture avec un classique du répertoire sur les planches toulousaines : adaptation du premier épisode de la trilogie de Beaumarchais, Le Barbier de Séville de Rossini constitue un des moments forts de l’année, réunissant des habitués de l’œuvre pour la plupart déjà passés par le Théâtre du Capitole ces dernières années et reconnus sur la scène internationale.

Eva Zaïcik (Rosina) et Kévin Amiel (le Comte Almaviva)
© Mirco Magliocca

Dans la mise en scène de Josef Ernst Köpplinger présentée en coproduction avec le Staatstheater am Gärtnerplatz de Munich et le Gran Teatre del Liceu de Barcelone, c’est un simple cactus en pot qui accueille le spectateur au centre de la scène rideau fermé, annonce du motif qui reviendra tout au long de la scénographie – « qui s’y frotte s’y pique » ? Les décors de Johannes Leiacker s’articulent en effet autour d’un unique plateau tournant montrant selon sa position un extérieur des rues de Séville avec un prostíbulo et l’intérieur du Docteur Bartolo. Le cactus forme l’unique décor mural, symbole de la cage dorée de Rosina dans laquelle il est impossible d'entrer... mais dont il est aussi impossible de sortir.

La mise en scène donne à la pièce un fourmillement constant en parfaite adéquation avec la musique et les longueurs qu’elle comporte. L’argent, moteur de Figaro, coule à flot sur le plateau sous forme de billets et de pots de vin. Aucune chance que le public ne s’ennuie même durant une aria un peu longue, tant les figurants et les détails de mise en scène sont multiples – que ce soit lorsque les personnages se disent systématiquement « hola » ou lorsqu'ils utilisent des tapettes à mouche colorées. Le personnage d'Ambrogio (Frank Berg) est en ce sens représentatif : tant de misères arrivent au pauvre domestique du Docteur, dans une écriture presque digne de la littérature jeunesse, comme par exemple lorsqu’il se fait attaquer à la carotide par son chat-marionnette qu’il envoie valser en coulisse avant de le ramener tenu par la queue dans l’appartement !

Le Barbier de Séville au Théâtre du Capitole
© Mirco Magliocca

L’orchestre en petit effectif est placé à mi-chemin de la fosse et du parterre, lui conférant une sonorité peu habituelle. Dirigé par Attilio Cremonesi, il est applaudi dès la fin de l’ouverture par le public, tant l’entrain est perceptible dans la conduite et le jeu d’ensemble. Bien réglé malgré une couleur parfois un peu sèche, l’échange avec le plateau est complice et fluide.

Florian Sempey propose un Figaro sur tous les fronts : l’hyperactif factotum de Séville, déboulant sur son scooter rouge flanqué d’un complet bleu clair, menaçant les moines de son rasoir et proposant ses services à qui veut bien le payer n’a pour objectif que de s’enrichir. La tenue vocale est exceptionnelle, le baryton faisant exploser sa frénésie sur certains passages, chuchotant machiavéliquement sur d’autres. Toutes les nuances et les articulations y passent. Même lorsqu’il ne chante pas, il intrigue, discute voire singe les déclarations lyriques du Comte, proposant un peu de distanciation vis-à-vis du livret.

Florian Sempey (Figaro) et Kévin Amiel (le Comte Almaviva)
© Mirco Magliocca

Kévin Amiel (le Comte Almaviva) n’est pas en reste mais construit une présence sonore plus progressive, en accord avec le livret. Timide et caché par l’orchestre, il s’impose par sa puissance au fur et à mesure qu’il révèle son amour à Rosina. Multiples cascades et déguisements forgent également une présence scénique qui va au-delà de ce que l’on peut habituellement voir. Eva Zaïcik en Rosina reste plus statique même si impeccable vocalement, sans excès, mais marquant solidement l’opiniâtreté de son personnage, contrastant avec le décor très girly de sa chambre. Dans le rôle de son tuteur (le Docteur Bartolo), Paolo Bordogna s’impose plus difficilement d’un point de vue vocal, moins intelligible et puissant ; il se démarque cependant dans le jeu scénique avec notamment un visage très expressif. Monumental, comme à l’accoutumée, est la basse Roberto Scandiuzzi (Don Basilio) qui, malgré un rôle limité, marque clairement la salle de sa stature avec pourtant une gestuelle laconique. La saison toulousaine se clôt ainsi sur une valeur sûre, avec des artistes brillants et une production revigorante.

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