Montée en coproduction avec l’Opéra national de Lorraine où le spectacle a été créé en décembre 2021, la mise en scène de La Flûte par Anna Bernreitner est un véritable enchantement. L'Opéra Comédie est comble ce soir, et petits et grands, novices et inconditionnels mozartiens en ressortiront des étoiles plein les yeux. Des étoiles comme celles qui défilent au cours du premier air de la Reine de la nuit, dans les animations vidéos de Hannah Oellinger et Manfred Rainer, en charge également des décors et costumes. Outre les toiles peintes latérales, le dispositif scénique se concentre sur un plateau tournant découpé en trois parties : une vue d’abord de rochers avec un château comme celui de la Belle au bois dormant au sommet, un plus petit secteur angulaire dans une sombre grotte ornée de stalactites inquiétantes, et puis l’envers du décor dévoile l’intérieur du château, dans les lumières plus éclatantes réglées par Olaf Freese.

La Flûte enchantée à l'Opéra Comédie de Montpellier
© Marc Ginot

C’est un univers de bande dessinée et de dessin animé qui s’installe, par le biais de ces vidéos colorées et drôles, sans excès d’utilisation. Ceci depuis le serpent du début qui poursuit Tamino, jusqu’aux épreuves finales de Pamina et Tamino aux allures de jeu vidéo projeté sur le rideau de scène, en passant par les deux airs de la Reine de la nuit, le second ponctué de coups de foudre sur les nuages. Les costumes sont aussi réussis, assez sobre dans des tonalités de vert pour Papageno qui joue à l’oiseau du début à la fin, plus imaginatif pour les trois Dames qui portent une robe orange commune et marchent de front, la Reine étant vêtue d'une belle robe argentée, avec une coiffe en forme de lune. Le choix des airs en allemand et dialogues en français, avec de petits arrangements pour ceux-ci, facilite évidemment l’accès de la partie du public qui ne connaît pas l’œuvre. A signaler aussi l’image finale de Tamino qui refuse ostensiblement le manteau de Sarastro : initié, oui, mais chef des prêtres, non !

La Flûte enchantée à l'Opéra Comédie de Montpellier
© Marc Ginot

La distribution vocale est emmenée par le couple Tamino-Pamina : lui Amitai Pati, chanteur samoan tout comme son frère Pene, ténor léger de format tout à fait mozartien, élégant et passant parfois en voix mixte dans le registre le plus aigu, et elle l’Allemande Athanasia Zöhrer (qui dit remarquablement ses textes français), musicale, aérienne, capable aussi d’une puissance bien supérieure à celle d’une habituelle Pamina. On est particulièrement heureux d’entendre le baryton Mikhail Timoshenko en Papageno, un rôle de première importance où il se révèle totalement. Le timbre est d’une grande noblesse, homogène sur toute la tessiture, l’acteur est comme un poisson dans l’eau, drôle mais sans trop en faire et touchant également lorsqu’il se prépare à son suicide. Il forme un joli duo avec sa Papagena Norma Nahoun, qui a peu à chanter mais sait propulser ses œufs depuis le nid posé sur sa tête, quand les deux envisagent les enfants à naître.

La Flûte enchantée à l'Opéra Comédie de Montpellier
© Marc Ginot

On préfère de loin la Reine de la nuit de Rainelle Krause (suspendue par des câbles depuis les cintres pendant ses deux airs), d'une intonation très précise et dont les suraigus sont projetés avec une grande force, au Sarastro d’In-Sung Sim qui manque d’ampleur et du creux dans son extrême grave. Benoît Rameau compose aussi un Monostatos d’une petite présence vocale, tandis que les trois Dames (Claire de Sévigné, Cyrielle Ndjiki et Majdouline Zerari) sont mieux chantantes en groupe qu’entendues séparément. Les trois garçons, qui débarquent sur scène en glissant sur un toboggan arc-en-ciel, ont aussi leurs bons et moins bons moments pour ce qui concerne la justesse du ton, alors que le chœur apporte sans faillir ses contributions régulières.

La Flûte enchantée à l'Opéra Comédie de Montpellier
© Marc Ginot

La direction musicale de Constantin Trinks étonne au début, sa franche lenteur renforçant le caractère solennel de l’ouverture. Mais on retrouve rapidement le Mozart vif-argent dès les premières séquences plus agitées. L’Orchestre national Montpellier Occitanie se montre suffisamment solide techniquement, avec une belle vélocité des cordes et bois, alors que les cuivres (un peu moins en forme par instants au second acte) ressortent avec brillant dans la forte acoustique de l’Opéra Comédie. Cette fosse permet en tout cas à l’auditeur d’entendre avec précision les détails de la géniale partition mozartienne.


Le voyage d'Irma a été pris en charge par l'Opéra Orchestre National Montpellier.

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