À quelques jours de la fin du Klarafestival, la venue à Bozar du City of Birmingham Symphony Orchestra avec sa cheffe principale invitée (et ex-directrice musicale), la Lituanienne Mirga Gražinytė-Tyla, ne constituait pas l'événement le moins attendu des festivités bruxelloises.
La première partie de cette soirée est consacrée au Concerto pour violon d’Edward Elgar, une œuvre fleuve de presque une heure où se mêlent orages et passions. C’est une pièce qui tenait une grande place dans le cœur du compositeur britannique qui y mit ses angoisses, ses tourments mais également sa tendresse : « J'ai écrit mon âme en toutes lettres dans le concerto », écrivait-il d’ailleurs en 1912 à son amie Alice Stuart-Wortley.
La formation britannique et sa cheffe sont rejointes par Vilde Frang, violoniste norvégienne dont l’archet passionné et passionnant réalise de vraies merveilles. Avec une attitude légèrement crispée, la soliste propose une vision brute et sans concession du concerto : elle appréhende sa partie périlleuse avec un son rêche et des phrasés acérés jusqu’à la formidable coda du dernier mouvement. Cette très longue conclusion se déploie avec majesté et laisse entrevoir un mélange de tendresse et de fragilité dans le jeu de la violoniste norvégienne. Son approche de la musique d’Elgar vient par ailleurs mettre en lumière l'aspect précurseur de l'écriture, tissant des liens avec des compositeurs plus tardifs : on peut par exemple y entendre l’acidité d’un Chostakovitch ou même les élans hollywoodiens d’un Korngold.
Derrière la soliste, l'équilibre orchestral est idéal. Les interprètes s’approprient l'œuvre avec franchise : les atmosphères sont très tranchées sans pour autant paraître simplistes et le discours est mené avec fougue. Les interventions de la clarinette ou du pupitre de cuivres convoquent ici et là une lumière bienvenue, en contraste avec les orages du violon solo. En opposition ou en soutien de la soliste, l’orchestre offre ici et là de vrais moments de poésie jusque dans les détails les plus infimes de la partition, comme avec ces pizzicati à mi-chemin entre tension et retenue lors de la coda du premier mouvement.
Vient ensuite la Symphonie n° 1 de Robert Schumann, et l’on retient son souffle. Car dans cette œuvre réjouissante exploitant de nombreux thèmes populaires, la phalange britannique se prend d’abord les pieds dans le tapis. La baguette de Mirga Gražinytė-Tyla perd en souplesse et les phrasés s’empâtent de plus en plus. Habiles dans les passages héroïques, les musiciens peinent en revanche à faire fleurir un chant apaisé et élégant. Il faudra attendre la moitié du premier mouvement pour que la cheffe et le CBSO semblent reprendre leurs esprits et, mis à part quelques soucis de mise en place, nous laissent enfin entrer dans cette symphonie dite « Le Printemps ».
On retrouve peu à peu le rebond et l’élégance dans les attaques comme dans les phrasés, et les couleurs jusqu’alors crues et ternes reprennent des teintes variées aux accents de bronze et d’azur. Il faut alors saluer les efforts de galvanisation de la cheffe lituanienne, brillamment épaulée par son timbalier, qui permettent aux forces britanniques de retranscrire la légère mélancolie et l’immense joie qui se dégagent de cette œuvre.