Formation spécialisée dans la littérature des XVIIe et XVIIIe siècles, B'Rock collabore avec plusieurs chefs dont René Jacobs ou Ivor Bolton. Pour cette tournée principalement franco-belge, le violoniste russe Dmitry Sinkovsky proposait ce lundi 2 mai au Havre une lecture des Water Music et des Fireworks de Haendel ainsi qu’un concerto pour violon de Vivaldi.
Les trois suites réunies sous le titre de Water Music contiennent quelques danses françaises et anglaises et des mouvements de concerto grosso où les trios d’anches dialoguent avec un orchestre rutilant augmenté de cors, trompettes et timbales. Dans la première suite (et la plus développée), Sinkovsky opte pour un son d’orchestre à l’opulence marquée auquel B'Rock ne nous a guère habitué. Solidement ancrée sur un très sonore pupitre de basses, la formation dessine une ouverture à la française charpentée, un Adagio e staccato volontiers staccatissimo et un Allegro où les cors saturent avec enthousiasme l’espace sonore.
Travaillant davantage la texture que la finesse d’articulation, Sinkovsky donne pourtant une lisibilité spectaculaire à une œuvre à l’évidence conçue pour frapper l’imagination royale du souverain Georges Ier d’Angleterre et apporte une foule de petits détails dans l’usage coloriste des percussions. On se laisse emporter par le flot sensuel d’un Andante très expressif, par les solos inspirés de la hautboïste Marta Blawat et le flot contrapuntique soutenu de l'Allegro conclusif où Haendel développe magistralement un thème anodin. On oubliera un Air un peu précipité pour goûter le charme rustique d’un Hornpipe à la souplesse agogique très convaincante où l’orchestre réagit avec précision à une gestique sobre et musicale.
Pour les deux autres suites, le chef prend son archet dans les pièces les plus délicates et accompagne le quatuor à cordes d’ornementations très sensibles où son art rivalise avec celui de Benny Aghassi, bassoniste virtuose qui troque alors son instrument pour la flûte à bec.
Après l’entracte, l’introduction martiale du Concerto RV 562 de Vivaldi rehaussée de parties de cors virtuoses fait entendre un soliste au charisme rare. Staccato volant, bariolages en tout genre, intonation immaculée dans les positions les plus hautes, la proposition stylistique dépasse sans doute le cadre que s’autorisent les violonistes baroques les plus audacieux mais cette générosité sait convaincre et séduire, même si le Largo strié de volutes tziganes nous emmène davantage sur les bords de la Volga que sur le Grand Canal.
Apothéose brillante d’un concert au niveau sonore déjà élevé, les vents et les percussions donnent toute la majesté souhaitable à des Fireworks maintes fois visités auxquels Sinkovsky insuffle un esprit nouveau, animant l’Allegro initial d’une ivresse sonore irrésistible. En expédiant sans trop d’égards la Paix et la Bourrée, l’ensemble belge attire l’attention sur un premier menuet souvent sacrifié auquel Sinkovsky confère une poésie singulière. Les trois bis reprendront des extraits des trois œuvres de la soirée, culminant sur l’extraordinaire cadence du mouvement final du concerto de Vivaldi, exécutée avec la même précision diabolique.