Plutôt que d’écouter encore et encore les compositeurs que l’on connaît déjà, pourquoi ne pas profiter de cette période d’enfermement pour découvrir – ou redécouvrir – les grandes femmes qui participent, elles aussi, à l’histoire de la musique ? Elles s’appellent Strozzi, Montgeroult ou Schumann : c’est l’occasion d’explorer les œuvres de ces virtuoses plus ou moins oubliées.
1Hildegard von Bingen (1098-1179)
Issue d’une grande famille noble du Palatinat, Hildegard von Bingen consacre sa vie à la religion et à la connaissance : elle est abbesse, guérisseuse, conseillère de nombreux hommes politiques de son époque… et compositrice ! Elle écrit de multiples chants liturgiques, appelés « hymnes » et « séquences » qui sont autant d’exemples de sa virtuosité dans l’écriture monodique. Sa musique sacrée reflète à la fois son attachement à la morale chrétienne – son Ordo virtutum met en scène un combat musical du diable contre les vertus ! – et sa croyance en une mystique englobante.
2Barbara Strozzi (1619-1677)
Élève de Francesco Cavalli, Barbara Strozzi est une cantatrice italienne renommée et probablement l’une des premières compositrices professionnelles. Se produisant d’abord dans les salons de son père Giulio Strozzi, elle compose sur les textes de ce dernier et développe peu à peu un réseau de mécènes auxquels elle dédie ses pièces de musique, parfois sacrée, plus souvent profane – cantates, ariettes et madrigaux qui démontrent une grande inventivité mélodique et une écriture passionnée.
3Hélène de Montgeroult (1764-1836)
Pianiste virtuose, Hélène de Montgeroult se fait connaître dans les salons parisiens, avant et après la Révolution. Brillante improvisatrice, excellente pédagogue, elle compose un monumental Cours complet pour l'enseignement du pianoforte, qui devient, avec plus de mille exercices et études, une référence pour toute une génération de pianistes qu’elle forme au Conservatoire de Paris. Son écriture met en avant la virtuosité énergique d’une pianiste qui fut considérée la meilleure de son temps.
4 Louise Farrenc (1804-1875)
Elle aussi brillante pianiste, enseignante au Conservatoire de Paris, Louise Farrenc choisit cependant de consacrer l’essentiel de sa carrière à la composition. Avec le soutien de son mari Aristide Farrenc, et l’appui de nombreux musiciens qui admirent la puissance de son écriture romantique et ses talents d’orchestratrice, elle parvient à être éditée et jouée de son temps. Outre des œuvres pour piano seul et de nombreuses pièces de musique de chambre, elle est l’une des rares compositrices du XIXe siècle à laisser derrière elle plusieurs symphonies.
5Clara Schumann (1819-1896)
Enfant prodige, pianiste virtuose admirée par Liszt lui-même, Clara Wieck est aussi l’une des compositrices les plus célèbres du XIXe siècle. Si ses œuvres de jeunesse, volubiles et inventives, mettent en lumière une écriture proche de Chopin et Mendelssohn, ses pièces plus tardives révèlent un romantisme plus sombre, comme ses sublimes Romances op. 21. Outre ses œuvres pour piano seul, son Trio ou ses lieder, elle laisse un époustouflant Concerto pour piano, composé à l’âge de quatorze ans, dont le deuxième mouvement est une longue et audacieuse romance pour piano et violoncelle…
6Mel Bonis (1858-1937)
Un peu trop souvent réduite à ses amours tragiques et à un destin digne d’une héroïne de roman, Mélanie Bonis a utilisé le pseudonyme de « Mel » pour composer : après des études au Conservatoire de Paris où elle est la condisciple de Claude Debussy, elle développe une écriture très personnelle, qui oscille entre post-romantisme et impressionnisme, entre drame et humour. En dehors de son abondante œuvre pour piano (dont les poétiques Femmes de légende), son style lumineux s’illustre dans ses nombreuses mélodies, ses quelques morceaux choisis pour orchestre (comme la charmante Suite en forme de valses), et surtout sa musique de chambre qui s’étend du septuor au trio, comme ici avec Soir.
7Amy Beach (1867-1944)
De plus en plus reconnue aux États-Unis, la figure d’Amy Beach demeure encore mystérieuse en France. D’abord pianiste concertiste, elle n’aborde l’écriture qu’après son mariage, pour devenir peu à peu l’une des compositrices les plus prolifiques de l’histoire : avec plus de 150 opus, elle s’attaque à tous les genres avec une plume passionnée, de la mélodie à la musique de chambre, de la symphonie à la musique chorale. Si son opéra de chambre Cabildo, composé en 1932, est d’une nostalgie délicieuse, son chef-d’œuvre demeure peut-être son Concerto pour piano, d’un romantisme exacerbé.
8Florence Price (1887-1953)
Composer est un combat pour Florence Price, qui, en plus d’être une femme, doit faire face à de multiples obstacles en raison de sa couleur de peau. Qu’à cela ne tienne : outre de nombreux negro spirituals qui la rendront célèbre auprès, notamment, de Leontyne Price, elle écrit pour le piano des pièces de genre dans lesquelles on perçoit l’influence du jazz naissant, deux concertos pour violon aussi poétiques qu’humoristiques, et surtout quatre symphonies qui illustrent son écriture vive, enlevée, qui n’a pas peur des emprunts au folklore.
9Grażyna Bacewicz (1909-1969)
Violoniste virtuose, Bacewicz accède d’abord à la notoriété en devenant premier violon de l’Orchestre de la radio polonaise, dans les années 1930. Ce n’est que le début d’une grande carrière, en tant que musicienne, mais surtout compositrice : outre plusieurs sonates et concertos pour son instrument, elle s’attaque au piano, au quatuor à cordes et à la symphonie avec un style énergique, parfois martial. En effet, si son écriture est marquée par son admiration pour Szymanowski, elle subit aussi l’influence du réalisme soviétique qui est imposé comme canon aux artistes polonais…
10Camille Pépin (1990-)
Première femme sacrée dans la prestigieuse catégorie « compositeur » des Victoires de la Musique classique cette année, Camille Pépin est à l’honneur de l’album The Sound of Trees, sorti en mars dernier. L’occasion de redécouvrir cette compositrice qui, en dehors de ses pièces de musique de chambre rythmées, influencées par le minimalisme, s’illustre tout particulièrement dans l’écriture pour orchestre ; comme ici dans Vajrayana, pièce qui fait référence à la mystique tibétaine.